Préparateur de fossiles

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Découvrir un fossile est une chance, mais dégager le fossile de ses sédiments sans l’abîmer est un art. Précieux et fragiles, ces archives du passé doivent être nettoyées par un spécialiste minutieux, qui prend bien le temps de travailler la pierre avec ses outils et son microscope binoculaire. Le préparateur de fossiles joue un rôle de premier plan dans l’équipe de recherche; il fait apparaître les détails des restes animaux ou végétaux afin que les paléontologues puissent les étudier, et les visiteurs les admirer.

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Jason Willett, préparateur de fossiles
Jason est préparateur de fossiles au parc national de Miguasha. Ce parc protégé a une drôle d’allure : il est tout en longueur sur la berge de la Baie-des-Chaleurs, du côté sud de la Gaspésie. L’attrait du site est sa falaise fossilifère classée sur la prestigieuse Liste du patrimoine mondial de l’UNESCO. On peut y découvrir de nombreux fossiles de plantes et de poissons qui vivaient il y a 380 millions d’années, période de l’apparition des premiers vertébrés terrestres.

Que préfères-tu de ton métier ?
C’est la découverte. Tous les jours, je découvre de nouveaux fossiles, des éléments de l’histoire du vivant qui sont utiles à la science dans le but de comprendre l’évolution des espèces.

Et qu’aimes-tu le moins ?
La nature de mon travail fait en sorte que je passe beaucoup de temps à mon microscope binoculaire à faire la préparation de fossiles. Des fois, ça peut être très répétitif; je fais les mêmes manipulations, les mêmes gestes et je prépare des fossiles d’espèces semblables.

Quelles sont les qualités d’un bon préparateur de fossiles ?
La minutie et la patience. Surtout la patience ! Il faut avoir un œil juste pour les détails et faire les manipulations lentement et de façon posée. La délicatesse est de mise puisque les fossiles sont fragiles.

Tu es technicien-préparateur au parc national de Miguasha. Travailles-tu parfois dehors ?
Oui, c’est un des éléments que j’aime beaucoup de mon travail; je passe énormément de temps à l’extérieur durant l’été. Je participe régulièrement à l’organisation des fouilles et aux découvertes de fossiles. Je me trouve d’ailleurs chanceux de continuer à le faire.

Comment en es-tu venu à pratiquer ce métier ?
J’ai commencé à travailler au parc il y a plus de 18 ans comme guide-interprète auprès des visiteurs du site, puis comme patrouilleur au pied de la falaise. Graduellement, j’ai réalisé que je trouvais beaucoup de fossiles et que ça m’intéressait vraiment. Mes supérieurs l’ont remarqué et ils m’ont guidé vers le poste de technicien-préparateur. J’ai d’abord travaillé de façon informelle comme apprenti avec le technicien-préparateur qui m’a précédé. Je suis ensuite parti à Paris pour un stage de quelques mois au Muséum National d’Histoire Naturelle. Il n’y a pas de cours pour faire ce métier, il faut plutôt aller sur le terrain et le pratiquer.

Est-ce qu’un technicien-préparateur doit aussi être intéressé par la géologie ?
Pas nécessairement par la géologie, mais certainement par la paléontologie ou la biologie. Je travaille avec des sédiments; connaître leur composition peut aider, mais ce n’est pas indispensable. De mon côté, j’ai appris graduellement la biologie des espèces qu’on retrouve sur le site de Miguasha.

Quels sont les ingrédients pour avoir un fossile en bonnes conditions ?
Ce sont les conditions de l’époque qui déterminent cela. Au parc de Miguasha, on retrouve surtout des poissons et des plantes qui vivaient en bordure ou dans l’estuaire qui coulait là à cette époque. Il y avait beaucoup de sédiments en suspension dans l’eau à cause de l’érosion des montagnes voisines. La clé de la fossilisation est un ensevelissement très rapide dans des sédiments sains et l’absence d’oxygène, ce qui empêche la décomposition. C’est ce qui permet la bonne conservation de ce qui deviendra un fossile.

Que représente pour toi la découverte d’Elpistostege watsoni, surnommé «Elpi» ?
L’équipe du parc a rapidement compris l’importance de cette découverte. C’est de loin le plus grand projet auquel j’ai participé puisque c’est moi qui ai dégagé le fossile. Physiquement, c’était un très grand fossile, une longueur de 1,6 mètre, mais c’est surtout son importance au point de vue de l’évolution des vertébrés qui était exceptionnelle. Il est unique ! J’ai eu la chance de faire partie de cette aventure et de passer des milliers d’heures à le préparer. C’est une tâche gigantesque de 3 ans qui représente 3000 heures !

Le mot de la fin ?
Même si les projets sur lesquels je travaille ne sont pas tous de l’importance d’Elpi, je ne me lasse pas de ce métier. Chaque fois que je prépare un fossile, je suis la première personne sur la planète à voir ce que je suis en train de découvrir. De penser que ce sont des organismes de près de 400 millions d’années, c’est extraordinaire. Même si cela fait des années que je pratique ce métier, je reste toujours intéressé et curieux puisque c’est la découverte et la nouveauté que je trouve passionnantes.

Une journée dans la vie de Jason
L’été, c’est la saison des fouilles; Jason part souvent à l’extérieur avec des étudiants-fouilleurs. L’équipe de recherche décide chaque année des zones où les fouilles se concentreront. Il faut d’abord préparer le terrain, puis on commence nos recherches. Dans les couches rocheuses, on va être à l’affût de formes, de bosses et d’ondulations qui sont des indices de la présence de fossiles. Sur le site, on utilise les faiblesses naturelles des sédiments pour dégager les fossiles ou des outils pour isoler la roche ciblée. Les failles indiquent souvent la présence de fossiles et il est possible de les extraire sans avoir à couper la roche.

Parfois, il arrive qu’on abîme des morceaux, mais il est heureusement possible de refaire le casse-tête en laboratoire et de les recoller . Les roches potentielles sont rapportées au laboratoire pour un examen plus approfondi au microscope et sous des loupes.
Une étape très importante de la découverte est la documentation des fossiles qu’on retrouve. Où et comment était placé le fossile dans les couches de roches ? Jason prend des photos et marque le lit, la strate, l’orientation, la polarité et le nombre de morceaux à l’aide d’outils d’arpenteur et de dessins. Les roches sont alors bien emballées et gardées ensemble. Souvent, la documentation sur la découverte d’un fossile est plus pertinente que le fossile lui-même, car elle permet de le placer dans son contexte écologique et de raconter son histoire.

De retour au laboratoire, les fossiles subissent un premier nettoyage superficiel. Il faut les rendre présentables pour l’étape cruciale du tri. Effectivement, la probabilité que le fossile retienne l’attention de l’équipe de recherche et des visiteurs ne tient qu’à un fil ! Seuls les plus rares ou ceux sur lesquels des étudiants-paléontologues veulent travailler pour leurs recherches seront préparés plus minutieusement par Jason.

Vient enfin le moment de la préparation des fossiles. Jason s’assoit à son microscope binoculaire pour bien observer les détails de la roche. À l’aide de burins à air comprimé, des petites pointes qui vibrent rapidement, il détache patiemment les saletés et les couches sédimentaires qui la recouvrent. Tranquillement, les éléments fossilisés qui s’y cachaient refont surface pour le plaisir de ses yeux. C’est un travail de longue haleine puisqu’une cinquantaine d’heures sont nécessaires pour terminer les plus petits projets !

Durant l’hiver, les fouilles s’arrêtent. Jason travaille alors uniquement à la préparation des fossiles en laboratoire. Il trouve un certain confort dans cette répétition. Cela lui permet aussi de rester concentré pour reprendre des travaux de préparation mis de côté faute de temps.

Jason a un parcours particulier : il a fait un DEC en Sciences humaines et un DEP en micro informatique. Rien à voir avec son métier ! C’est plutôt son intérêt pour la recherche de fossiles qui l’a poussé dans cette voie. Il a d’abord travaillé comme guide-interprète puis comme patrouilleur au parc de Miguasha. Ses collègues l’ont alors poussé à devenir l’apprenti du préparateur de fossiles du parc. Il a ainsi appris son métier en travaillant et grâce à un stage de quelques mois à Paris.

Au cégep :
DEC en sciences, lettres et arts

DEC en sciences de la nature et avoir atteint les objectifs 00XU (biologie) et 00XV (chimie)
ou tout autre DEC décerné par le ministre de l’Éducation du Québec ou faire preuve d’une formation équivalente au DEC et avoir réussi les cours en biologie, chimie, mathématiques et physique.

À l’université :
Baccalauréats en géologie ou en biologie (3 ans), offerts dans plusieurs universités québécoises.

La paléontologie est une discipline au croisement de la géologie et de la biologie. Il n’existe pas de programme spécialisé dans ce domaine au premier cycle, mais il est possible de choisir des options de cours en fonction de son champ d’intérêts.

De plus, l’Université du Québec à Rimouski (UQAR) propose une université d’été en paléontologie. C’est un cours intensif d’une semaine sur le site du parc national de Miguasha qui se veut une formation pratique sur les techniques de la paléontologie.

Et après ?  

Le métier de préparateur de fossile s’apprend en le pratiquant. Il faut donc trouver un mentor qui transmet les rouages de l’emploi. Le préparateur de fossiles se retrouve au même endroit que les paléontologues puisqu’il travaille de concert avec eux dans la recherche et l’étude des fossiles: musées, instituts de recherche, universités, etc Si certains sites, comme le parc national de Miguasha, regorgent de fossiles aquatiques, d’autres sont plutôt riches en fossiles terrestres. C’est le cas de la région des Badlands de l’Alberta où les sites de fouille regorgent de fossiles de dinosaures. Il y a donc une diversité de fossiles à trouver et à préparer aussi grande que la diversité du vivant qui existait jadis.

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