Le monde infini des virus

Faut-il avoir peur des virus animaux? Et comment apparaissent les nouveaux virus? Entrevue avec Daniel Martineau, professeur au département de pathologie et microbiologie à la faculté de médecine vétérinaire de l’Université de Montréal.
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Le virus Ebola est un virus à ARN. Qu’est-ce que c’est ?

Parmi les virus à ARN connus, on compte bien sûr celui d’Ebola, mais aussi ceux de l’influenza, du SRAS, de la fièvre Marburg ou du Nil occidental, le VIH, etc…
En fait, il existe deux grandes sortes de virus. Ceux qui comportent du matériel génétique similaire au nôtre, l’ADN, et ceux dont le génome est constitué d’ARN.
C’est important de faire la distinction, car les virus à ARN sont beaucoup plus variables que les autres. En fait, pour se multiplier, les virus utilisent certaines protéines, de petits « ouvriers » qui sont chargés de copier le matériel génétique. Les ouvriers qui copient l’ADN font peu d’erreurs. En revanche, ceux qui copient l’ARN en font beaucoup.

Quelles sont les conséquences de ces erreurs ?

Dans la plupart des cas, ces erreurs sont probablement néfastes pour le virus. Elles peuvent aussi n’avoir aucune influence. Mais la conséquence majeure, c’est que tous les virus sont légèrement différents les uns des autres. Par exemple, avant l’arrivée des médicaments antirétroviraux, une personne atteinte du virus du sida pouvait avoir dans son corps 100 milliards de virus, et il n’y en avait pas deux pareils ! Cela signifie que lorsqu’on administre des médicaments, il y a toujours, dans le lot, un virus qui résiste et qui survit.

Cette variabilité est-elle aussi à l’origine des virus « émergents » ?

C’est certain. La plupart des nouveaux virus sont des virus à ARN. Outre la grippe aviaire, ou le SRAS, on a eu l’exemple, en 1994 en Australie, d’une flambée qui a touché 21 chevaux et deux personnes à Hendra. Il s’agissait d’un tout nouveau virus, le virus « Hendra », provenant des chauves-souris vivant au-dessus de l’écurie. (Depuis juillet 2008, onze flambées épidémiques, toutes circonscrites à la côte est de l’Australie, ont été notifiées, NDLR). Le virus Ebola, lui aussi, provient visiblement de chauves-souris. Ce n’est pas étonnant: il existe plus de 1200 espèces de chauves-souris (chiroptères), sur les 5500 espèces de mammifères décrites! Les chauve-souris représentent ainsi le cinquième de toutes les espèces de mammifères ! Il y a des barrières d’espèces, mais elles sont relatives. Et on est loin de connaître tous les virus: toutes les cellules de tous les organismes sont assiégées par 10 particules virales en moyenne. Pour ma part, j’ai travaillé sur les virus de poissons. Il y a plus de 20 000 espèces de poissons.

Justement, en parlant de barrières d’espèces, pouvez-vous citer quelques exemples de virus qui les ont franchies (à part la grippe aviaire)?

Dans les années 1930, pendant la récession, des éleveurs de porcs américains ont donné des otaries à manger à leurs porcs. Ceux-ci ont développé des symptômes proches de la fièvre aphteuse, mais on a réalisé dans les années 1950 que leur maladie était en fait due à un virus présent chez les otaries. À la fin des années 1980, un virus est passé des chiens aux phoques, puis des chiens aux lions (virus du distemper).
Le virus du SRAS et MERS-CoV sont tous deux des coronavirus, des virus bien connus pour les maladies qu’ils causent chez le chat et chez le porc, en mutant. Le SRAS a été contracté à partir de chauve-souris…
Enfin, jusqu’à récemment, on ne connaissait pas de virus influenza chez le chien. Or, voici quelques années, les chiens ont contracté un virus d’influenza de cheval, probablement à partir de viande équine (crûe) qu’on a donné à des chiens de course en Floride. Ce virus s’est adapté à son nouvel hôte canin, par des mutations.

À voir aussi, une présentation de Daniel Martineau (2006).

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